Chapitre et numérique

Dans le cadre d'un colloque sur le chapitre à l'université de Montréal, Marcello Vitali-Rossati, parlant de la discrétisation inhérente au numérique dit

dans le numérique on doit renégocier les formes de discrétisation

dans le sens où, là où nous avions sur le papier des chapitre, sections, paragraphes, etc, quelles sont les unités minimales de discrétisation qui peuvent légitimer le discours, à l'instar du chapitre qui “marque” le livre ?

Pourquoi cet impératif de renégociation des formes de discrétisation ? Le grain “chapitre” est défini par l'auteur1). Il peut faire 100 pages comme une ligne. C'est une décision auctoriale. Le chapitre est un élément narratif, il n'a pas de dimension, que l'on soit dans le monde analogique ou numérique. L'auteur y met ce qu'il veut : un vers, cent pages ou une vidéo. L'auteur peut aussi rédiger un livre sans chapitre.

Quant à l'étendue des segments, si le bit est peut-être l'unité minimale du numérique, la molécule d'encre en est-elle l'équivalent sur le papier ? Quant au web comme unité la plus grande, je verrais en parallèle le texte de Michel Foucault sur le livre comme “nœud dans un réseau” :

[…] l’unité matérielle du volume n’est-elle pas une unité faible, accessoire, au regard de l’unité discursive à laquelle il donne support ? Mais cette unité discursive, à son tour, est-elle homogène et uniformément applicable ? Un roman de Stendhal ou un roman de Dostoïevski ne s’individualisent pas comme ceux de La Comédie humaine ; […] C’est que les marges d’un livre ne sont jamais nettes ni rigoureusement tranchées : par-delà le titre, les premières lignes et le point final, par-delà sa configuration interne et la forme qui l’autonomise, il est pris dans un système de renvois à d’autres livres, d’autres textes, d’autres phrases : nœud dans un réseau. […] Le livre a beau se donner comme un objet qu’on a sous la main ; il a beau se recroqueviller en ce petit parallélépipède qui l’enferme : son unité est variable et relative2).

Tout cela pour dire que la rupture logique entre l'analogique et le numérique ne me semble pas fortement établie en matière de discrétisation des éléments du discours.
De quel ordre est donc cette rupture, si tant est qu'il y a rupture ?

1)
1 ou des auteurs, anonymes comme identifiés…
2)
Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.