R. Chartier et le Monde de la textualité numérique

Quelques citations de Roger Chartier qui sont pour moi très symptomatiques d'une vision très peu constructiviste du “Numérique”.

La question qui se pose est : cette vision permet-elle une réflexion pertinente sur l'édition à l'heure du numérique ?

Référence : Chartier, Roger. “Qu’est-ce qu’un livre ? Grandeurs et misères de la numérisation”. Fussman, Gérard. La mondialisation de la recherche : Compétition, coopérations, restructurations. Paris : Collège de France, 2011. Web. <http://books.openedition.org/cdf/1579>.

Il n’en va plus de même dans le monde de la textualité numérique puisque les discours ne sont plus inscrits dans des objets qui permettent de les classer, de les hiérarchiser et de les reconnaître dans leur identité propre. C’est un monde de fragments décontextualisés, juxtaposés, indéfiniment recomposables, sans que soit nécessaire ou désirée la compréhension de la relation qui les inscrit dans l’œuvre dont ils ont été extraits.
Cette écriture polyphonique et palimpseste, ouverte et malléable, infinie et mouvante, bouscule les catégories qui, depuis le XIIIe siècle, sont le fondement de la propriété littéraire, de toutes les pratiques et habitudes de lecture.
unités textuelles éphémères, multiples et singulières, composées à la volonté du lecteur, qui ne sont en rien des pages définies une fois pour toutes. L’image de la navigation sur le réseau, devenue si familière, indique avec acuité les caractéristiques de cette nouvelle manière de lire, segmentée, fragmentée, discontinue, qui défie profondément la perception des livres comme œuvres, des textes comme des créations singulières et originales, toujours identiques à elles-mêmes et, pour cette raison même, propriété de leur auteur.

En résumé, voici la liste des éléments nécessaires du livre et de la lecture numérique selon Roger Chartier, et que l'on retrouve souvent ailleurs :

L'on m'accordera a minima que ces propos sont assez peu nuancés…

Chacune de ces assertions est une possibilité, et non une nécessité. Nous ne sommes pas dans le monde du numérique qui imposerait ses Lois à l'instar des lois de la physique (elles-mêmes régulièrement discutées et revues), mais dans l’Ère du numérique, au sens temporel. Nous pourrions même dire l'Âge du numérique. Nous avons inventé de nouveaux outils qui seront les nôtres, jusqu'aux prochaines technologies que nous inventerons. Ces outils offrent de nombreuses nouvelles possibilités (parmi lesquelles la fragmentation des textes, oui, en effet), la plupart sans doute encore impensées, mais qui précisément émaneront de notre pensée et non pas d'une nécessité numérique.